La Province, via la députée Nathalie Heyard, et Vivalia croient en la médecine générale assistée par télématique. Dans un Luxembourg où les médecins se raréfient, ce serait une solution parmi d’autres. Mais le concept doit bien sûr mûrir.
Dans les mois ou années à venir, l’e-santé pourrait être une révolution dans nos pratiques médicales de base et nos relations avec nos médecins généralistes. Ce mardi, l’intercommunale hospitalière Vivalia et la Province de Luxembourg ont orchestré un colloque « Lux Health » sur l’e-santé pour comprendre comment la médecine connectée pourrait s’intégrer dans la réalité des soins de demain.
Il s’agit donc de familiariser tant le grand public que les professionnels de la santé à ce concept qui en glace certains. Un tel processus de télémédecine existe depuis une année en Alsace sous la houlette d’une ASBL de soins et santé et fonctionne mieux qu’espéré, selon deux représentants alsaciens venus témoigner. « Les patients reviennent, ils sont satisfaits. »
Comment cela fonctionne, quels sont les objectifs recherchés ? Point n’est besoin de rappeler la pénurie programmée, surtout en zone rurale, de médecins généralistes, ni la réalité du vieillissement de la population. A cela s’ajoutent des budgets de soins de santé qui gonflent et qu’il faudra réduire rapidement. « Le budget de la santé publique représente 24 milliards d’euros en Belgique, note le Dr Philippe Coucke du CHU de Liège, avec une augmentation de 6-7 % par an. C’est 12 % du PIB. Intenable ! » La télémédecine pourrait y répondre partiellement.
En clair, un centre médical accueille les patients comme c’est le cas à Oberbruck en Alsace. Mais cette pratique peut aussi se faire au domicile du patient. « C’est là que s’opère la consultation de télémédecine qui peut répondre à 70 % des besoins », explique Cathy Hanser, chef de ce projet. Il n’y a pas de limite technologique. C’est à elle à s’adapter aux médecins. Il faut une plateforme informatique simplifiée. Un infirmier y recueille toutes les informations de base auprès du patient qui consulte.
A quelques km ou dizaines de km de là se trouve un médecin qui consulte à distance, de façon orale et télévisuelle, les deux postes étant relayés par toute une série d’appareils qui permettent la consultation et la vision à distance. L’infirmier est évidemment la personne de référence indispensable pour faire le lien entre les deux sites.
Tout cela repose sur un changement radical des mentalités. Pour Jean-Marie Carrier, président de Vivalia, « Vivalia 2025 ne repose pas que sur la partie hospitalière. C’est un tout. Il faut donc réfléchir à cette problématique-là et être prêt ».
Vivalia avait d’ailleurs répondu à un appel d’offres du fédéral lié à cinq projets de ce type. Vivalia n’a toutefois pas été retenue. Mais l’intercommunale et la Province veulent aller de l’avant, estimant qu’il n’y a parfois pas assez de liens et de communication entre les intervenants de 1re ligne et les hôpitaux. Et puis, il s’agit d’éviter une fuite de patientèle, chiffrée en certains endroits à 40 %. Offrir une réponse adéquate via ce genre de nouveau service peut aider à contrecarrer de tels effets.
Bien sûr, on n’en est qu’aux prémices. Les réticences restent fortes, notamment dans le chef des médecins. « Le monde médical professionnel n’est pas formé et est craintif envers ce type d’évolution, clame le Dr Coucke. L’Ordre des médecins n’est pas très chaud. Mais il faudra évoluer, savoir répondre à des questions éthiques, techniques, organisationnelles et à une peur de déshumanisation de la médecine, à condition d’y mettre les moyens nécessaires. »
Côté Inami, Benoît Collin, son administrateur général adjoint, estime lui aussi « qu’il faut aller de l’avant vers cette évolution. Les opérations pilotes nous donneront de précieux renseignements dans les deux ans ».
Ce colloque constituait le début de la réflexion publique pour la mise en place d’un réseau en Luxembourg, où il faudra repenser la place des intervenants de 1re ligne.
De Bertrix à BordeauxCe mardi, le Dr N’Guyen basé à Bordeaux a effectué une consultation à distance avec l’infirmier Gaëtan Van Esbroeck, présent à Bertrix dans le cadre de ce colloque. Généraliste « classique » depuis 23 ans, ce médecin a commencé à pratiquer la télémédecine par simple communication téléphonique (téléconseil). La visio-conférence était évidemment un tout autre système. « J’ai un ressenti assez proche d’une consultation traditionnelle, dit-il, puisque j’ai une vision précise grâce à des appareils sophistiqués, que ce soit pour une consultation cardiologique, de la gorge, des tympans, avec l’aide de l’infirmier. Il manque juste le contact direct. »
Par Jean-Luc Bodeux pour lesoir.be